L'enseignement du Chinois dans les lycées
Une initiative de Suzanne Frammery-Vayssac
à
Montgeron (1953-1977)
1948. Suzanne Frammery-Vayssac, philosophe, se promène à Paris et se demande comment améliorer sa connaissance de la pensée chinoise. Elle se met à rêver de pouvoir lire ses grands penseurs directement dans le texte sans passer par le filtre des interprètes…
Par cette « journée ensoleillée », une affiche manuscrite sur la porte du 2 rue de Lille, comporte cette mention et attire son regard :
Aujourd'hui, langue chinoise,
dernier jour d'inscription.
Une force « indéfinissable » la pousse vers cette porte de l'École Nationale des Langues Orientales Vivantes ; elle y suivra, pendant deux ans, les cours de Li Tche Houa et de Lin.
Sa connaissance de la pensée chinoise et son amour pour cette langue, faite d'idéogrammes qui se révéleront peu à peu comme de véritables symboles vivants, s'en trouveront décuplés.
Nous pouvons donc dire que les prémices d'un enseignement du chinois au Lycée de Montgeron sont nées ce jour là.
1953. Suzanne Frammery-Vayssac, nommée professeur de philosophie dans ce Lycée, se demande comment faire partager à ses élèves cette ouverture d'esprit vers l'Asie…
Son besoin inné de transmettre son savoir lui indique qu'on ne peut laisser une telle culture dans l'ombre des arcanes administratifs…
Tout d'abord elle convainc le fondateur du Lycée et premier Proviseur, Alfred Weiler, d'instaurer l'enseignement du chinois dans le Lycée. Il lui donne rapidement carte blanche.
1956-1957. L'histoire de l'enseignement du Chinois au Lycée commence alors quand elle se rend à Berne, en Suisse, pour rencontrer des membres de la Délégation culturelle de la République Populaire de Chine (à cette époque la France n'a pas encore de relations diplomatiques officielles avec cette république - relations établies le 27 janvier 1964).
La Délégation lui certifie qu'elle enverra des répétiteurs chinois dès la reconnaissance de la République Populaire de Chine par la France et de l'ouverture des relations diplomatiques.
Toujours en 1956 Suzanne Frammery-Vayssac se rapproche de Robert Ruhlmann - premier chargé de mission de l'Inspection générale, pour le chinois afin de créer une équipe pour démarrer ce projet et recevoir le responsable de la Délégation culturelle.
Est organisé, à Paris, un repas dans un café face à la sortie de la station de métro Censier Daubenton. Sont présents, Paul Demiéville, Suzanne Frammery-Vayssac, Robert Rulhman, Li Tche Houa et des représentants de la Délégation culturelle chinoise.
Ce petit groupe de personnes, de bonne volonté, vient de poser les fondements de l'enseignement du chinois au Lycée de Montgeron et dans les autres lycées français qui suivront cette expérience.
1957. Première enseignante chinoise au Lycée de Montgeron.
Suzanne Frammery-Vayssac demande à Ysia Tchen de bien vouloir venir exercer ses multiples talents au Lycée.
1958-1964. Ysia Tchen inaugure des cours facultatifs de chinois et des activités dirigées (calligraphie, danse, théâtre). Des spectacles annuels sont régulièrement donnés.
1964-1967. Song est nommée le 26 octobre 1964. Elle est la première assistante envoyée par la République Populaire de Chine. Elle sera logée au Lycée, à la demande de Suzanne Frammery-Vayssac et grâce à l'intervention du Proviseur Raymond Jacquenod. Des professeurs seront nommés : Michel Désirat, Violette Bissat (1966-1967), Mme Martine Valette-Hémery (1967-1972)… et des assistants chinois : Yang Tia, …
1967. En décembre, une pétition pour demander que dès « la session de juin 68 […] le Chinois qui, depuis l'arrêté du 29 septembre 62, figure à titre de langue facultative, devienne par décret deuxième langue vivante au Baccalauréat » est adressée au Ministère de L'Éducation Nationale. Elle est signée par 92 élèves et 49 professeurs du Lycée.
Suzanne Frammery-Vayssac demande l'aide de son ami du Lycée de Rodez, le Ministre Alain Peyrefitte, elle demande aussi et obtient tout naturellement l'appui du Ministre d'État, Ministre de la Culture André Malraux.
1968. Trois élèves subissent les épreuves de chinois pour le baccalauréat, en 2ème langue.
Vingt ans déjà !
Suzanne Frammery-Vayssac écrit à cette époque : « Le projet qui a permis de lancer l'expérience de Montgeron n'en reste pas moins, après bien des années un fil conducteur. »
L'enseignement du chinois, en France, devient alors une évidence malgré de nombreuses difficultés persistantes, qui seront progressivement aplanies.
D'autres professeurs et assistants, nommés ou délégués, participeront à la pérennisation de « l'expérience de Montgeron ».
Á partir de ces années, Suzanne Frammery-Vayssac entreprend, à nouveau, la rédaction d'ouvrages parallèlement à son métier de professeur, qu'elle quitte en 1977.
En 1997, Madame Catherine Meuwese, professeur de chinois au Lycée de Montgeron écrivait : « Je faisais là une véritable découverte ! […] En plus, cet enseignement existait depuis 1958 ! […] La création de cet enseignement était l'œuvre du professeur de philosophie du lycée, Mme Frammery-Vayssac »
Et, en 2012, Monsieur Joël Ben Lassen, Inspecteur général, souligne : « Cette naissance, qui a eu lieu en dehors de tout phénomène de mode […] va être le début d'une longue marche qui aboutira à ce que l'on peut considérer comme l'une des originalités françaises en matière éducative, à savoir une présence relativement forte du chinois dans le secondaire. »
© Mars 2012 LJFV
Association Les Amis de Suzanne Vayssac
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Notes :
Extrait d'un texte manuscrit de Suzanne Frammery-Vayssac, s. d. [1978].
« Le projet qui a permis de lancer l'expérience de
Montgeron n'en reste pas moins, après bien des années
un fil conducteur.
Surgi au moment où la Chine était en pleine transformation
il s'élaborait sur un fond de connaissances précises
tant sur le plan culturel que sur le plan économique
- Sur le plan culturel : déjà pour nous la langue chinoise
par ses tonalités son graphisme, exerçaient une grande
séduction.
- Sur le plan économique : nous pensions aux
échanges qui allaient s'opérer à l'échelle mondiale.
Cela supposerait une ouverture sur le monde des affaires,
des échanges internationaux, des relations diplomatiques.
Il fallait donc contribuer à cette ouverture -
Susciter un plan - Un plan pour se réaliser peut emprunter
diverses voies - Il contient tout un éventail de possibilités.
Déjà à Montgeron il a été à l'origine de multiples recherches
dans les domaines linguistiques et philosophiques
suscitant des travaux en équipe. Je cite pour mémoire
ces traductions de Mao en français confrontées à des
traductions de Proudhon en chinois et du philosophe Alain.
J'ajoute qu'un plan quelles qu'en soient
les réalisations, et même non réalisé garde de son impact.
Il n'en demeure pas moins une suggestion
voire une énigme. »
Mémoires Vives Du Lycée De Montgeron
Il était Une Fois...
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