Céramique

Témoignage de Jacques Ibarra, responsable de l’atelier de céramique

de 1951 à déc.1956.

Libéré des obligations militaires et retournant à la vie civile, c’est tout naturellement que je reprenais mes contacts, d’une part avec mon métier de céramiste* et de l’autre avec celle d’élève au cours Montparnasse**  Je retrouvais ainsi mes anciens camarades et parmi eux Yves Hersant qui dirigeait depuis un cours de dessin préparatoire à l’entrée aux Arts Déco et qui avait comme élève Jean Weiller qu’il me présenta. Ce dernier apprenant que j’étais libre me proposa de prendre contact avec son père directeur du Lycée de Montgeron qui cherchait pour son établissement un enseignant en céramique.

*qui était ma formation de base avec trois années dans la section céramique de l’Atelier école Saint-Lambert de la Chambre de commerce de Paris.

** section dessin au cours du soir de la Ville de Paris, professeur R. Lesbounit.

C’est ainsi que je me retrouvais au Lycée de Montgeron. Le premier contact me surprit agréablement tant par le cadre composé du château, de ses annexes et du parc que par l’accueil de Mr Weiler directeur, de Mr Blondel ? responsable des ateliers et de Mr Feyrière surveillant général. L’emploi du temps était de 10 heures, soit un demi poste et les élèves, ceux des classes de 6èmes et de 5èmes.. L’atelier se trouvait comme les autres ateliers – bois, fer, reliure, couture – dans les anciens bâtiments. Il était hors service, abandonné, aucune trace des réalisations précédentes, des moules de plâtre en attente sur les étagères, son petit four ne fonctionnait plus. Tout était à faire.

J’accueillis mes jeunes élèves et après réflexion, je décidais que l’activité se ferait sans moule, mais directement au contact de l’argile. Je me chargeais de tout ce qui était technique, jouant le rôle d’un guide qui fait prendre conscience de ce qui est réalisable ou pas car il n’était pas question de former des professionnels- il en fut toujours ainsi même plus tard avec les élèves du 2ème cycle et les Terminales-  La finalité était pour les enfants de s’exprimer avec de l’argile sans en connaître la composition et la nature, c’était surtout pour eux l’occasion de découvrir et de ressentir une nouvelle expression, celle obtenue par le volume qui de plus pouvait être complétée par le dessin, mode d’expression habituelle. Je voulais que l’imagination de l’enfant soit le moteur pour sa création et je le poussais dans ses découvertes et les surprises inhérentes à la plasticité docile de l’argile puis au séchage hasardeux des pièces et enfin aux aspects multiples et définitifs obtenus par la cuisson du biscuit et l’application des engobes.

Au fil du temps, afin que les élèves se familiarisent avec les différents ateliers et puissent affirmer leur préférence, mes collègues des autres ateliers et moi-même avions proposé des passages obligatoires dans chaque atelier par trimestre pour les 6èmes et les 5èmes, un choix par option de deux ateliers pour les 4èmes et les 3èmes; les élèves du deuxième cycle choisissaient délibérement ou pas de fréquenter un atelier sur leur temps libre. La direction du lycée avait accepter cette organisation qui s’inscrivait parfaitement dans les méthodes éducatives recherchées.

Si certains professeurs prétaient peu d’attention aux nouvelles pédagogies que le lycée offraient, des équipes d’enseignants enthousiastes se formaient sur des projets communs. C’est ainsi que l’atelier de céramique en coordination avec Melle Roux, Mme Romain,, Mr Brun a réalisé des bas-reliefs représentant des personnages du Moyen-Age, leurs costumes et leurs instruments de musique, des décors sur poterie ayant pour thèmes des scènes de l’Antiquité… -Voir photos-

Au fur et à mesure, l’organisation de l’atelier consista à réparer en premier le petit four puis d’en acquérir un plus grand devenu nécessaire étant donné le nombre important d’élèves fréquentant l’atelier, de remettre en fonction le seul tour à pied et de demander un tour électrique et de plus un four à grès.

Après cinq ans, l’atelier de céramique avait pris une certaine place au lycée et obtenu un renom à tel point qu’il recevait les visiteurs étrangers qui venaient découvrir les nouvelles pédagogies de ce lycée hors norme.Voir article.

Pour ma part, avec maintenant un poste complet et n’ayant obtenu aucune garantie de promotion et de titularisation, je me trouvais dans l’obligation de trouver une autre voie. Enrichi de cette expérience et de l’apport des élèves, c’est avec regret que je quittais le lycée et bientôt l’enseignement pour créer mon atelier personnel en province.

En 1956, j’ai passé mes vacances d’été avec mes collègues Hoffmann, De Witt, Didier, Vivès et leur famille et par la suite j’ai eu des contacts avec quelques élèves qui comme moi gardaient une certaine nostalgie pour ces moments exceptionnels et privilégiés passés au Lycée de Montgeron. Je n’ai eu aucun lien avec les personnes ayant repris l’atelier de céramique.